Interview d'Alexandre Faure, journaliste et conférencier expert en Silver économie

08 novembre 2019





8 novembre 2019


« J’aime beaucoup tout ce que je fais, j’ai de la chance. Quand on met vraiment de l’intensité dans ce qu’on fait et qu’on est convaincu, c’est tout de suite plus facile d’évoluer. Aujourd’hui je commence à récolter les fruits de mon travail. »  


Par le biais de sa newsletter, de son blog et de ses conférences et tables rondes, Alexandre Faure communique une perspective de la longévité positive et inclusive. Aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de communication axée sur les multiples choix qui s’offrent aux seniors pour le bien vieillir. La société idéale est pour lui celle du vivre ensemble où chacun profite d’un environnement adapté à ses besoins. Il y œuvre chaque jour, avec bienveillance et passion, auprès des seniors comme des professionnels directement ou indirectement touchés par le vaste secteur de la Silver Economie. 

Alexandre Faure débute sa carrière dans une caisse de retraite et de prévoyance en tant que responsable de service client. Il quitte l’organisme en 2017, fonde son blog « Sweet Home »  et développe une offre de brand content pour les marques de la Silver Economie. 


Domalys : Qu’est-ce qui vous a motivé à entrer dans le secteur de la Silver Economie ?

Alexandre Faure : J’ai été personnellement confronté à la question du vieillissement et du décès des personnes âgées à travers mes grands-parents. J’ai vu mes parents, et plus particulièrement ma mère, s'occuper de mes grands-parents à travers différents parcours de vie. Mon grand-père a fini ses jours en unité de soins palliatifs, ma grand-mère paternelle, elle, était en maison de retraite, et ma grand-mère maternelle a pu rester chez elle, car mes parents habitaient à côté.  J'ai alors découvert le quotidien des aidants, car mes parents l'étaient. J’ai vu ce que ça représentait en termes d'engagement, d'exigence, de sacrifices. Ce sont ces vécus donné envie de passer à l’action. Aujourd'hui les choses ne sont pas très différentes, et même s’il existe beaucoup d'alternatives, de solutions de prévention et d'anticipation, elles ne sont pas connues ou mal connues. Cela ne permet pas aux citoyens de se préparer. 


Pourquoi avoir créé Sweet Home, votre blog ?

La motivation que j'avais quand j'ai créé Sweet Home, c'était d'apporter des réponses au grand public, de la façon la plus exhaustive possible, et suffisamment tôt dans leurs parcours de vie pour qu'ils puissent réfléchir et prendre les bonnes décisions. Je voulais m'adresser plus aux personnes âgées qu’à leurs aidants, car je veux aider les seniors à rester maîtres de leur destin jusqu'au bout. 


Pouvez-vous nous décrire votre ligne éditoriale ?

Ça c’est dur (rires).

Les articles de la presse généraliste sur la Silver Economie sont trop souvent pessimistes et misérabilitistes. Cela donne une vision très négative de la longévité. Les médias omettent de préciser que la dépendance, cela ne concerne pas toutes les personnes âgées. Ou bien qu’il y a plusieurs formes de dépendance. La dépendance, ça n’est pas nécessairement des démences ou des dépendances physiques. 
Quand j'ai commencé à m'intéresser au sujet, j'ai regardé les médias spécialisés qui existent, et j’ai vu des axes qu’ils n’exploitent pas. J'avais très envie d’aborder le sujet de l’adaptation de l’environnement de vie sous un angle plus optimiste, tout en ne se voilant pas la face sur les enjeux. Montrer qu'il y a du progrès, à travers des exemples intéressants de réussite ou des projets qui méritent une mise en lumière.
Pour résumer la stratégie éditoriale de Sweet Home, En trois points : 
  1. Souligner les enjeux,
  2. Mettre en avant les initiatives positives, 
  3. Proposer des contenus sourcés, mais vulgarisés.

Comment créer un environnement favorable à la préservation de l’autonomie ? 

Il faut être capable de prendre le recul nécessaire pour faire un diagnostic de sa situation et de ses limites, et ça c'est très difficile. C'est extrêmement difficile de faire son auto-diagnostic et d'imaginer soi-même les risques qu’on court dans le domicile. Nous n’en avons souvent pas conscience. Nous en prenons conscience seulement quand il y a un accident. C’est la raison pour laquelle beaucoup de Français n’adaptent leur domicile qu’après une chute.  Il est fondamental d'avoir un prescripteur qui soit capable de dire « votre installation électrique, votre baignoire, ne sont plus adaptés. » Il faut faire en sorte que des intervenants puissent faire ce diagnostic pour aider les occupants à supprimer les difficultés du domicile. Les ergothérapeutes par exemple sont des professionnels tout à fait pertinents dans l’établissement de ce diagnostic et la préconisation de solutions. 


Le principal enjeu est-il l’accès aux informations ? 

C’est un enjeu clé. Il y a un manque d’informations sur l’adaptation du domicile comme sur les alternatives possibles à l’EHPAD. Il y a très peu de gens qui connaissent les alternatives. Même si on commence à bien connaître les résidences services par exemple, il faut plus communiquer sur les autres alternatives, comme la cohabitation intergénérationnelle. C'est important de montrer qu'il y a des alternatives et des possibilités. Il y a un autre enjeu important selon moi, c’est l’adaptabilité ou l’inadaptabilité du parc immobilier. La loi Élan prévoit qu’un certain nombre d’habitations soient adaptées ou adaptables, mais l’écrasante majorité des 28 millions de logements privés en France ont été construits avant l’an 2000. Plus de la moitié des immeubles anciens n'ont pas d'ascenseurs. Avoir une salle de bain refaite à neuf dans un appartement au 4e étage sans ascenseur, ce n’est pas très utile !

Lorsque les retraités choisissent leur nouveau lieu de vie pour la retraite, ils considèrent rarement les fragilités du territoire. Ils vont parfois s'installer dans des coins très reculés, où acheter une maison sur trois étages. Ils ne se projettent pas sur leur potentielle perte d’autonomie, quand ils ne pourront plus forcément conduire par exemple. Il y a une part de prise de conscience nécessaire au niveau des collectivités mais aussi au niveau des individus. Il faut comprendre qu'on peut rester libre, que c'est même très important de rester libre, mais il faut être conscient de l'impact de nos choix sur notre autonomie future. On habite en moyenne à 280 km du lieu de vie de nos parents, et les retraités d’aujourd’hui n’auront peut-être pas de proches aidants demain.


Considérez-vous que la société porte un regard négatif sur la vieillesse ? 

Oui d’une certaine manière. C’est un thème qui est cher à beaucoup de sociologues de la Silver Economie. Melissa Petit (sociologue spécialisée Seniors) avait évoqué en conférence des pays comme le Brésil, où l’âge de la retraite n’est pas fixé et où on part en retraite quand on veut. Supprimer cette frontière-là change complètement le regard qu’on a sur la vieillesse, car il y a un couperet psychologique qui nous projette directement dans la catégorie « des vieux » à l’âge du passage en retraite. 


En plaquant des idées préconçues sur chaque génération, on construit des modèles mentaux pour expliquer leurs choix. Laissons à chacun son libre arbitre sur la question. 



Vous pensez que l'appellation “papy, mamie” portée sur les seniors encre encore un peu plus ces seniors dans un rôle fantasmé ? 


Oui tout à fait. Nicolas Menet (directeur général de Silver Valley) l’explique très bien dans son essai Construire la Société de la Longévité. L’image que l’on a de la vieille dame qui tire son chariot au marché nous fait un peu oublier que cette dame a des qualités, des compétences, un vécu etc. 

On ne voit en général qu’une vieille dame qui tire son chariot, et on reporte sur elle tous les fantasmes que l’on a vis-à-vis du troisième âge. Nicolas Menet a notamment conçu une cartographie des seniors qui fait ressortir les différentes personnalités de seniors avec leurs traits saillants.


Quels sont vos projets pour cette fin d’année 2019 ?
Continuer à publier du contenu sur mes médias, multiplier les contributions sur d’autres médias et développer mon activité de conseil en entreprises. 
Je ne souhaite pas monétiser Sweet Home car je ne veux pas perdre en pertinence ni en liberté, en prenant des contenus payants. 

J’ai donc développé une activité de conseil en brand content pour aider les entreprises de la Silver économie à améliorer leur acquisition et leur conversion grâce à du contenu exceptionnel.

Enfin, j’organise et j’anime des conférences et des tables rondes. 

J’ai récemment participé à une conférence en Suisse sur l'apport de la robotique dans la Silver Economie par exemple, etle 7 novembre, je donnerai une conférence sur le rôle des artisans du bâtiment comme prescripteurs dans l’adaptation du domicile. Elle se tiendra au salon Batimat de Villepinte. Je suis très content d’y participer, car cela me permet de montrer à des acteurs, indirects sur le secteur de la Silver Economie, qu’ils ont aussi une pierre à apporter à l’édifice. 

Communiquer de façon positive à des publics variés, c’est ce qui me motive. 

Enfin, en novembre je ferai la promotion du Le grand livre de la longévité. C’est un ouvrage collectif dirigé par Nicolas Menet auquel j’ai contribué. 
J’aime beaucoup tout ce que je fais, j’ai de la chance. Quand on met vraiment de l’intensité dans ce qu’on fait et qu’on est convaincu, c’est tout de suite plus facile d’évoluer. Aujourd’hui, je commence à récolter les fruits de ce travail.


Avez-vous un conseil à donner sur l’écriture d’articles de blog ? 

Il y a des moments où on est plus inspirés que d’autres. Il faut pouvoir être capable d’identifier ces moments-là et comprendre pourquoi ils sont plus favorables à l’écriture que d’autres. 

Le cerveau a deux modes de fonctionnement périodiques : un mode frontal, où on peut se pencher sur un sujet et un mode d’arrière-plan, où le cerveau ne sera pas apte à écrire tout de suite mais va maturer sur un sujet, comme après la lecture d’un article. 

Il faut laisser au cerveau le temps de faire son œuvre, et se laisser du temps entre le moment où on découvre les sujets et le moment où on écrit. L’écriture n’en est que plus fluide ensuite. 

Quand je remarque que ce n’est pas le bon moment, je laisse l’écriture de côté et je travaille sur autre chose. Petit à petit, quand on écrit, on a aussi des réflexes : dès que j’ai une idée je la note, et ça me permet de filtrer ensuite les thématiques. Il existe aussi des plateformes qui nous permettent de structurer les contenus, et d’obtenir des articles plus pertinents par rapport aux moteurs de recherche. Au-delà de cela, l’écriture c’est un muscle, donc plus on écrit et plus cela devient facile et automatique. Enfin, il faut que cela reste amusant, Il faut prendre du plaisir à le faire pour bien le faire.

Crédits image : Sweet-home.info



Leading Age, San Diego Californie
05 novembre 2019